Baptême du feu mais anomalie pour ce moteur d'Artemis

Le programme de retour sur la Lune Artemis a beau être en eaux troubles et voir sa pérennité compromises par des remous politiques, la NASA ne ménage pour autant pas ses efforts dans ce sens et poursuit le développement du matériel alloué au lanceur SLS (Space Launch System). Quelques jours après avoir discrètement conduit au Mississipi le tir statique d’un moteur RS-25 d’un nouveau type, l’agence a supervisé celui d’un système inédit qui devra servir dans les années 2030. Du moins et si cela advenait, Northrop Grumman se chargerait de sa fabrication. Ce 26 juin 2025, des centaines de personnes se sont réunies au site de test et de production de l’entreprise à Promontory, dans l’Utah, afin d’assister au premier essai du moteur BOLE (pour Booster Obsolescence and Life Extension), et au vu des images capturées, il va sans dire que le show était au rendez-vous. Démarré à 18:25 UTC, ce tir statique nommé DM-1 (Demonstration Mission 1) était tel qu’on en entendit la puissance à des miles à la ronde. Ayant surveillé l’expérience d’une durée de 2 minutes et 20 secondes environ, on déclara l’essai réussi et riche en données desquelles perfectionner l’ensemble.
Or, et le spectateur bien attentif s’en sera aperçu, la mise à feu ne s’est pas parfaitement déroulée et a rencontré une anomalie suivant juste le cap des T+100s dans la chronologie. De fait, l’extrémité du moteur d’où sort le gaz de combustion a subi un début de flammes vers le sommet de la tuyère, avant qu’un éclat ne survienne dans la trainée et que des débris n’en soient éjectés. Sur le moment, l’on entend l’une des opératrices, surprise, s’exclamer ‘Oh’ et lâcher un souffle, sans que ce qu’il s’était produit ne soit adressé ensuite. Par déduction, quelque chose semble d’abord s’être échappé du moteur, puis dans un deuxième temps est venue la déflagration de la tuyère, n’ayant à priori pas atteint la jupe plus haute. De par son fonctionnement par combustion solide, il n’était d’ailleurs pas possible de l’arrêter dès le dysfonctionnement repéré. La raison de cette déconvenue n’a pas encore été officialisée.

Images indépendantes et haute définition du test © NSF
Il est à noter que la poursuite du programme Artemis, déjà freinée, ne serait pas affectée par cet incident, car le booster est prévu pour équiper la version actuelle SLS, le Block 1 ; mais la version de la fusée visée, le SLS Block 2, n’est censée décoller qu’à l’occasion de la mission Artemis 9. En vérité, il est même improbable pour l’heure que le moteur soit utilisé, tandis qu’en suivant les restrictions budgétaires de l’administration Trump II, le programme lunaire se retrouverait tout bonnement annulé suite à Artemis 3 ou bien Artemis 5 en amoindrissant les coupes en question.
Il n’en demeure pas moins que la NASA a mis à l’épreuve son premier moteur solide développé depuis cinquante ans et l’introduction du SRB de la navette, et cela reste à saluer.

Extrait de la retransmission complète du test par la NASA © NASA Marshall via SciNews

Sur le plan technique, BOLE se présente comme un booster ou un SRB (Solid Rocket Booster), i.e. un moteur brûlant du combustible solide. Il s’agit du plus large et performant jamais mobilisé dans le vol spatial habité, avec une longueur de 47.5 m, un diamètre de 3.8 m et une poussée de 17 méganewtons. Conçu comme itération du SRB accompagnant le SLS, sa capacité d’emport en orbite lunaire est en comparaison accrue de 5 tonnes, et outre sa poussée augmentée de 10%, il s’en remet à des composants de remplacement optimisés, une enveloppe composite en fibres de carbone au lieu de l’acier ou un système de poussée vectoriel électrique aux dépens de l’hydraulique.


Pour en savoir plus et approfondir les détails relatifs à l’anomalie ou de façon générale au BOLE et ses répercussions sur Artemis, référez-vous au communiqué de Northrop Grumman sur le test, aux articles de Josh Dinner pour space.com, Justin Davenport pour Nasaspaceflight, Stephen Clark pour Ars Technica, Spencer Joseph pour FOX 13, à la brochure relative à DM-1 de Northrop, ou à la vidéo de réaction et analyse de Scott Manley !
Quand à moi, je vous souhaite un bon retour sur Terre et d’ici votre prochain vol, longue vie et prospérité ! 🖖
Merci de même à Pierre-François Mouriaux pour sa relecture !