SNR 0509-67.5 : le résidu d'une double explosion d'étoile

Image du rémanent de supernova SNR 0509-67.5, où deux cercles concentriques reliés à la présence de calcium sont visibles (de même que celle de la raie Hydrogène alpha en orange) © ESO / P. Das et collaborateurs

Les naines blanches, comme leur nom l’indique, présentent une si petite taille qu’elle est comparable à la Terre, tout en possédant une densité très importante. Elles entrent en ligne de compte dans le stade final de vie d’une étoile si celle-ci, une fois ses réserves épuisées, ne dispose pas d’une masse assez élevée pour aspirer au titre d’étoile à neutrons ou au delà encore de trou noir. La naine blanche, consistant en un coeur dénudé, se retrouve aussi à l’origine d’une classe de supernovæ, ces phénomènes très énergétiques comptant parmi les plus puissants phénomènes dans l’Univers, dites de type Ia. Ayant hérité du noyau de son prédécesseur démis de la fusion de l’hydrogène et de l’hélium, elle demeurerait tranquille tant qu’elle ne dépasserait pas un seuil fatidique en astrophysique : en effet commande t-elle que la naine blanche perde son intégrité dépassée 1.44 masse solaire, soit la masse limite de Chandrasekhar, à laquelle l’étoile s’effondrerait gravitationnellement. Or, le nœud de l’affaire du jour est que cette approche quand à la génération de supernovæ Ia ne va pas sans buter sur plusieurs cas où la naine évolue en interaction avec un compagnon stellaire, dont elle se met à aspirer la matière. Preuve visuelle à l’appui, cela est contesté par le modèle de la double détonation.

Le détracteur auquel on s’intéresse se nomme SNR 0509-67.5 et se situe à 160 000 années-lumière de distance, dans la galaxie satellite du Grand Nuage de Magellan (LMC en anglais). Découvert en 2008, il s’agit des restes d’une supernova ayant éclaté il y a près de quatre siècles. Particularité soulevée par une récente observation : sa procréatrice (une naine blanche, rappelons-le) n’a pas subi une mais deux déflagrations d’affilée, et ce sachant qu’elle ne parvenait pas à une masse critique ! Comment est-ce alors possible ?

Répartition du calcium (bleu) en deux lignes de front (pointillés) autour du point de détonation de la supernova © ESO / P. Das et collaborateurs

L’explication est soutenue des évidences par images fournies par le réputé VLT (Very Large Telescope) de l’ESO (European Southern Observatory ou Observatoire Européen Austral), basé au Chili. Sur 29 heures de pose, l’instrument MUSE (Multi Unit Spectroscopic Explorer) a décelé en SNR 0509-67.5 la structure comprenant deux saillies, les front d’ondes issues de la séquence d’évènements intervenus à quelques dixièmes de seconde de différence. Mais cela a suffi pour que le premier souffle à 25 000 km.h soit talonné par le second, et que leur rayons s’étendent chacun à 6.7 et 5.6 années-lumière. L’accent fut placé sur la détection de calcium dans ces deux coquilles et de souffre en parallèle, car ce relevé chimique témoigne de la synthèse d’éléments intermédiaires dans l’explosion et avant tout de la trace de cette dernière en double configuration.

"Cette preuve tangible d'une double détonation ne nous amène pas seulement plus près de la résolution d'un mystère de longue date, mais nous offre un spectacle visuel [...] De révéler la fabrique interne d'une telle explosion cosmique spectaculaire est incroyablement gratifiant"
Priyam Das, doctorant à l'université de Nouvelle-Galles du Sud et directeur de l'étude
via le communiqué de l'ESO
Vue d'artiste représentant SNR 0509-67.5 et la violence de l'épisode © ESA / M. Kornmesser

Prenons notre naine blanche en situation de couple avec une voisine, soit une autre naine blanche soit une étoile plus imposante. Du fait de l’attraction qu’elle exerce, la naine procède à une absorption de matière arrachée à sa partenaire, et cette accrétion concerne en l’occurrence de l’hélium. S’en forme par conséquent une couche de surface qui, en tournant à l’instabilité, entraîne sa propre décomposition ainsi qu’une féroce onde de choc portée simultanément vers l’extérieur et l’intérieur de l’étoile. Tandis que d’un côté l’éjecta primaire se propage dans l’espace, son impact arrive au coeur de la naine, auquel il ne faut rien de moins pour exciter précipitamment la fusion du carbone puis de l’oxygène qu’il renferme. De là naquit une supernova à double détonation telle que le modèle la suggérait, et les simulations sortent en outre la potentialité d’une quadruple détonation si deux étoiles à neutrons s’accouplaient.

Descriptif vidéo de la découverte © ESO

L’avancée a été rapportée ensuite par une étude publiée dans Nature Astronomy ce 2 juillet 2025. En se basant sur les données photographiques du VLT, le papier valide l’application du modèle de la supernova Ia à double détonation, en plus d’attester du potentiel explosif d’une naine blanche en deçà de la limite de Chandrasekhar. Les astronomes seront dès lors en mesure de mieux apprécier les propriétés lumineuses et physiques des supernovae Ia, à la fois utiles en leur qualité de fournisseuses en éléments lourds tels que le fer, et de ‘bougies standards’ afin d’étalonner l’expansion cosmique (cf l’article de Space Tales portant sur une interprétation de son accélération). On ne connait toujours pas avec certitude le mécanisme sous-jacent aux explosions de naines blanches, mais une part d’ombre substantielle en a été levée.

Pour en savoir plus et approfondir les détails relatifs à l’étude dévoilant les derrières des supernovae Ia à double détonation ou au sujet de la découverte plus généralement, référez-vous au communiqué de l’ESO, aux articles de Robert Lea pour space.com, Evan Gough pour Universe Today, Simon Vionnet pour Pour la Science, Iain Todd pour BBC Sky at Night, Antoine Ducarre pour Science et Vie, John Timmer pour Ars Technica, James Woodford pour New Scientist, Michael Bakich pour Astronomy, Laurent Sacco pour Futura, David Fossé pour Ciel et Espace, à l’interview des têtes de l’étude par EarthSky ou encore à l’épisode dédié d’Eric Simon pour Ca se Passe Là-Haut !

Quand à moi, je vous souhaite un bon retour sur Terre et d’ici votre prochain vol, longue vie et prospérité ! 🖖

Merci de même à Pierre-François Mouriaux pour sa relecture !

Laisser un commentaire