Eris Testflight 1 : l'Australie cible l'espace à tâtons

La petite Eris est comparable dans son design à son homologue néo-zéolandaise Electron, en cela qu’elle est haute de 25 m pour une masse de 30 t, et propose un emport de 315 kgs vers une orbite basse LEO ou 215 kgs vers une héliosynchrone SSO. Il s’agit ainsi du premier lanceur strictement conçu et manufacturé en Australie, ce en utilisant extensivement l’impression 3D sur son ensemble et ses moteurs. Ces derniers se nomment Sirius et profitent d’un mode de propulsion hybride, usant à la fois d’un carburant solide en poudre et d’un comburant liquide (du peroxyde d’hydrogène). Ils équipent au nombre de quatre le premier étage, un unique est installé sur le second, tandis que le troisième dispose d’un moteur cryogénique Phoenix. L’entreprise derrière ce projet, Gilmour Space, a été contraint à reporter le vol inaugural à plusieurs reprises dès l’an dernier, que ce soit pour des causes techniques ou météorologiques. L’une de ces occasions manquées d’ailleurs, le 16 mai, a conduit à la séparation inopinée de sa coiffe suite à une décharge électrique. Mais le 29 juillet 2025 était la bonne et à 22:35 UTC (8:35 le 30 heure locale), le décollage de la mission Testflight 1 est enfin venu au au spatioport commercial de Bowen, au nord de l’état du Queensland.

La maxime d’usage est bonne à replacer en l’occurrence : ‘space is hard’, et le chemin vers l’orbite ne s’ouvrira pas tout de suite devant les équipes de Gilmour. Il convient de saluer leurs efforts et de retenir la qualité de ceux en matière de GNC (guidage, navigation et contrôle), car à aucun moment la fusée n’a t-elle flanchée ou perdu sa stabilité, surtout orientée à la verticale lors de sa translation. Et quelle surprise de remarquer une telle douceur dans l’atterrissage (improvisé) ! Le crash a bien entendu mené à une explosion, mais retardée et sans boule de feu au crash comme on se l’imaginerait. Il n’empêche que l’entreprise a le vent en poupe et envisageait avec réalisme un échec au premier essai. A la lumière des données ultérieurement récoltées, Gilmour prévoit de remettre cela d’ici 6 à 8 mois : une cadence courte et riche d’enseignements au futur d’Eris.
Dans le milieu des activités spatiales et notamment des lancements, l’Australie est demeurée quelque peu en retrait par rapport aux autres nations, dont la Nouvelle-Zélande voisine ayant vu naître la prometteuse entreprise Rocket Lab. Elle ne dispose en effet que d’une industrie encore balbutiante en amont (i.e. au regard de ses opérations capacitaires pour atteindre l’espace), mais la startup locale Gilmour Space compte bien changer la donne. Ce alors que le pays des kangourous n’a vu que deux tirs orbitaux seulement réalisés sur son sol, le second remontant à 1971 où le Royaume-Uni a expérimenté sur le site de Woomera avec son propre lanceur Black Arrow. Là où le territoire s’était fait le lieu de tir pour des missions à visée suborbitale ou opérées par des acteurs étrangers, les instances australiennes supportent gaiement l’arrivée d’un lanceur domestique, Eris, qui a exécuté son entrée en scène.
Vidéo rapprochée du début d’ascension puis de la retombée d’Eris © Gilmour Space
Or le vol de la fusée a tourné court et s’est soldé par un échec, n’ayant duré que 14 secondes comptant un allumage des moteurs durant 23 s. Grâce aux images de ce moment-là, on observe premièrement et rapidement la perte d’un des quatre moteurs de la base du lanceur, résultant en une poussée amoindrie et donc une élévation ralentie, du fait que le rapport poids-poussée de l’ensemble ait été réduit à 1.2 ; dans la marge minimale requise pour que le lanceur décolle. Etant donné la position asymétrique de ces moteurs autour du centre de masse et puisqu’ils n’étaient pas orientables, la poussée s’en est retrouvée divergente et Eris s’est mise rabattue horizontalement. S’en est suivi un éjectas de gaz indiquant une deuxième perte de moteur, forçant la fusée à retomber lentement avant de toucher terre.
Autre angle de vue par drone de l’essai © Gilmour Space
Pour en savoir plus et approfondir les détails relatifs au test inaugural d’Eris ou au derrière des opérations chez Gilmour, référez-vous au communiqué de la compagnie et aux articles dédiés de Mike Wall pour space.com, Chen Chuanren pour Aviation Week, Georgia Loney et co. pour ABC et Ryan Caton pour Nasaspaceflight, ainsi qu’aux vidéos d’analyse de Scott Manley et bis-NSF !
Quand à moi, je vous souhaite un bon retour sur Terre et d’ici votre prochain vol, longue vie et prospérité !
Merci de même à Daniel Chrétien et Pierre-François Mouriaux pour leur relecture !