Virgin Orbit en faillite se fait départager

Le Boeing 747-400 Cosmic Girl transportant pour la première fois la fusée LauncherOne, lors d'un vol de test le 18 novembre 2018 © Virgin Orbit

Virgin Orbit, fondée par le milliardaire Richard Branson en 2017, voulait se démarquer en tant qu’acteur du secteur spatial privé en proposant des services de lancement flexibles et abordables, basés sur un système innovant de mise en orbite de petits satellites grâce à la fusée LauncherOne, elle-même aéroportée et larguée en altitude par un Boeing 747 modifié nommé Cosmic Girl. Malgré quelques exploits et un potentiel certain, l’entreprise n’aura pas su survivre à des contraintes financières trop élevées, corollaires à un business plan trop inefficace. Exacerbée par l’échec de la mission Start Me Up en janvier, sa situation critique l’a menée en avril à déclarer faillite puis à mettre aux enchères ses actifs, départagés à présent entre Rocket Lab, Stratolaunch et Launcher. Virgin Orbit n’est désormais plus.

Le 9 janvier 2023 rentra dans l’histoire : ce jour-ci se produisit le premier lancement effectué depuis le sol européen, à l’occasion de la mission Start Me Up réalisée par Virgin Orbit, mais qui aboutira sur un échec en milieu de vol. Un filtre à carburant s’était délogé dans le système de propulsion du second étage de LauncherOne et avait causé un dysfonctionnement de l’apport en kérosène du moteur Newton-4, qui se coupa prématurément. L’entreprise complètera son enquête le 19 en la rendant publique, mais son avenir troublé en raison de son déficit budgétaire important compromettra gravement le retour en vol de LauncherOne et du système aéroporté de Virgin Orbit.

"Vous méritiez mieux que ça ! [...] Vous avez pris part à quelque chose d'audacieux, stimulant et enrichissant [...] Vous n'avez simplement pas eu le leadership ou l'opportunité de démontrer au monde ce que vous pouviez pleinement accomplir"
Tony Gingiss, Ex-COO (Directeur de l'exploitation) de Virgin Orbit
dans un mail général, envoyé aux employés le 3 avril
Graphique illustrant, au cours d'un an, la chute en bourse de la valeur de marché de Virgin Orbit sur le NASDAQ, ayant correspondu à plus de 4 milliards durant l'été 2022 pour finalement stagner aux 100 millions © NASDAQ

Dans un mail envoyé en interne, Tony Gingiss, directeur de l’exploitation de la compagnie qui sera de même renvoyé, s’excuse auprès de ses employés de ne pas avoir su résoudre des problèmes selon lui évitables, écrivant « Vous méritiez mieux que ça ! ». En mai, la compagnie partagera avoir connaissance de plus de 30 demandes de divers parties intéressées, démontrant l’intérêt que revêtait l’aventure de Virgin Orbit, l’espoir d’un rachat complet de l’entreprise ayant encore été envisagé alors. La Fortune ne se manifesta cependant pas, aucune piste de stabilisation ou de reprise en main ne s’étant ouverte, et le déroulement des enchères se poursuivit jusqu’aux ventes normalement admise par le tribunal le 24.

Simultanément à la fin des enchères, Virgin Orbit assurera leur bonne tenue ainsi que celle de l’entièreté du processus de faillite. Dans la foulée, la société confirmera cesser définitivement ses activités. « Tel est l’héritage de Virgin Orbit. […] [A tous ceux ayant contribué aux projets], merci de l’immense honneur que cela a été d’être un membre de votre équipe » conclura Dan Hart, PDG de l’entreprise, sur Linkedin.

Cosmic Girl garé au Spaceport Cornwall © Virgin Orbit via PA

Mi-mars, Virgin Orbit annonce congédier une partie de son personnel. L’entreprise licencie ensuite 85% de sa main d’œuvre soit environ 675 personnes, par manque de capital percevable à l’amiable pour contrer ses dépenses, bien qu’une équipe réduite d’une centaine d’employés ait été conservée de manière à continuer parallèlement la préparation de la prochaine mission et de LauncherOne, avant de se placer le 4 avril sous la protection du Chapitre 11 de la loi contre les faillites. Cela signifie que, lorsque les entreprises américaines ont recours à cette législation afin de sauver leur business, celles-ci proposent dans leur requête un plan de réorganisation, approuvé par un tribunal fédéral, grâce auquel elles demeurent actives et paient convenablement leurs créanciers. 

Le siège de Virgin Orbit photographié lors de la cession des opérations © Reuters
"On se souviendra pour toujours de l'héritage de Virgin Orbit dans l'industrie spatiale. Ses technologies novatrices, son inlassable recherche de l'excellence, son engagement indéfectible pour l'avancement des frontières du lancement aérien auront laissé une marque indélébile au sein de l'industrie"
Virgin Orbit
via une publication officielle

Extrait vidéo de la mission Launch Demo 2 ayant permis, le 17 janvier 2021, le premier lancement aérien d’une fusée à propulsion liquide © Virgin Orbit via Youtube

Extrait du document déposé au tribunal fédéral et attestant des enchérisseurs sélectionnés

À hauteur de 17 millions, l’offre de Stratolaunch à l’égard de Virgin Orbit, plongée dans son processus de vente, est apparue comme un « cheval de bataille ». Acceptée en instance judiciaire, elle octroya à l’entreprise le Boeing 747-400 anciennement employé par Virgin Orbit, Cosmic Girl, qui vint agrandir la flotte de l’entreprise qui l’opérera à terme en tant que plateforme de lancement pour son véhicule réutilisable hypersonique Talon-A. Ayant conçu l’avion le plus large au monde, Roc, cet acteur privé étendra les possibilités de ses vols d’essai tout en consolidant les partenariats qu’il proposera.

Concept d'artiste représentant le Boeing 747 reconverti, d'ici 2024, et en configuration de vol avec Talon-A © Stratolaunch / Delta Research Digital Products

Avec l’aval du tribunal fédéral des faillites du Delaware ayant validé les enchères, Rocket Lab, Stratolaunch et Launcher sont devenus les nouveaux propriétaires de plusieurs biens auparavant détenus par Virgin Orbit, le montant de leurs offres s’élevant à 36 millions de dollars. 

Rocket Lab, dont l’offre atteignait 16,1 millions, a obtenu des locaux californiens situés à Long Beach, une zone en banlieue de Los Angeles dans laquelle l’entreprise est déjà implantée. Le siège et le complexe de production vendus en étant voisins, l’entreprise bénéficie ainsi par les clauses de la vente de 13400 m² de superficie, d’imprimantes 3D, d’une machine spéciale de soudure de réservoirs et d’autres équipements techniques qu’elle compte utiliser en vue du développement de son futur lanceur Neutron. En effet, le gain matériel qu’apportera la location de ce site ou Conant Facility en facilitera et accélèrera significativement les capacités de test ou la mise en service.

Vue satellitaire de la zone industrielle où sont localisées Rocket Lab et Virgin Orbit à Long Beach (leurs bâtiments sont respectivement montrés en vert et en rouge, Virgin Orbit se trouvant plus loin de Rocket Lab que ne l'est le plus petit building rouge) © Google Earth

La compagnie Launcher, subsidaire de Vast Space qui l’a achetée en février, reçut quand à elle et suite à son offre de 2,7 millions le site de test de Mojave, sur lequel elle disposera de machineries et d’infrastructures telles des bancs d’essai et un hangar. Sa société-mère prévoyant de construire une station orbitale, Launcher travaille notamment sur le moteur-fusée E-2 qui y serait probablement au centre des travaux de la startup.

Chambre de poussée où est installé le moteur E-2 de Launcher pour son premier tir statique, en avril 2022 au Stennis Space Center © Launcher / J. Kraus

Pour en savoir plus et approfondir les détails des déboires de Virgin Orbit, référez-vous à la notice de fin de vente du tribunal du Delaware, à l’annonce analogue via BusinessWire, à un document transmis au SEC (Security and Exchange Commission) le 17 avril, aux dernières annonces de la compagnie, aux articles de Jeff Foust pour Space News ou à ceux de Michael Sheetz pour CNBC relatifs au sujet.

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