Une Semaine Spatiale en Images
10-16 juillet 2023

La Chine remportant la course au méthalox, l’Inde s’aventurant à nouveau sur la lune, James Webb célébrant son premier anniversaire, des voitures électriques au KSC, deux tirs statiques peu probants… L’actualité spatiale s’est révélée assez dense cette semaine, et c’est pourquoi je vous invite à en prendre connaissance dans ce format exclusif intitulé Une Semaine Spatiale en Images !

Récapitulatif des lancements

Cette semaine, du lundi 10 au dimanche 16 juillet, 4 lancements se sont produits aux Etats-Unis, en Chine et en Inde, dont 2 revêtaient un intérêt majeur  : 

  • 10 juillet [3:58] : Falcon 9 Block 5 – Starlink 6-5 – SpaceX – USA – SLC-40 de Cap Canaveral (CCSFS1)
  • 12 juillet [1:00] : Zhuque-2 – Vol orbital – Landspace – Chine  – Site 96 de Jiuquan (JSLC2)
  • 14 juillet [9:05] : LMV-3 – Chandrayaan-3 – ISRO – Inde  – Pas de Tir 2 de Sriharikota (SDSC3)
  • 16 juillet [3:50] : Falcon 9 Block 5 – Starlink 5-15 – SpaceX – USA – SLC-40  de Cap Canaveral (CCSFS)

Les horaires sont indiqués en heure UTC, et les lancements sous la forme « Date [Heure] : Lanceur – Mission/Charge utile – Organisation – Pays de lancement – Lieu de lancement

1 Cape Canaveral Space Force Station 2 Jiuquan Satellite Launch Center Satish Dhawan Space Center 

Ascension le 12 juillet du LMV-3 indien lors du lancement de Chandrayaan-3 © ISRO

Starlink 6-5

Ce lundi 10 juillet à 3:58 UTC, 24 satellites Starlink v2 Mini ont décollé du SLC-40 de Cap Canaveral dans le but d’agrandir la constellation de seconde génération. Falcon 9 a volé nominalement, et son booster B1058 a rejoint la barge JRTI (Just Read the Instructions) ; il s’agissait de la première fois qu’un premier étage se posait pour la 16è fois. Les charges utiles ont été déployées sur une orbite LEO (basse) de 315 x 323 kms et inclinée à 43°, et en rejoindront une plus haute à 530 kms d’altitude.

© SpaceX via Twitter

Webcast du lancement de Starlink 6-5 © SpaceX via Youtube

© C. Boyer via Twitter

Video officielle de promotion du vol orbital de Zhuque-2 © Landspace via CNSA Watcher

Les 4 moteurs méthalox TQ-12 du premier étage de Zhuque-2 © Landspace / B. Liu via Twitter

Vol orbital de Zhuque-2

Ce mercredi 12 juillet à 1:00 UTC, le lanceur privé Zhuque-2 de la société chinoise Landspace a décollé du Site 96 de Jiuquan, devenant la première fusée méthalox au monde (propulsée au méthane et à l’oxygène liquides) à rejoindre l’orbite et remportant la « course au méthalox » contre le Starship de SpaceX, la Terran 1 de Relativity Space ou la Vulcan de ULA. Ne transportant aucune charge utile, son second étage a été validée comme évoluant sur une orbite SSO (héliosynchrone) de 431 x 461 kms d’altitude et inclinée à 97,3°.

© Landspace

© Landspace via CNSpaceflight

Chandrayaan-3

Ce vendredi 14 juillet à 9:05 UTC, la mission la plus notable de l’année pour l’Inde et l’ISRO, Chandrayaan-3, a décollé du Pas de Tir 2 du centre Satish Dhawan. LMV-3 vola nominalement, et sa charge utile a été déployée sur une orbite elliptique de 170 x 36500 kms d’altitude, qu’elle allongera graduellement jusqu’à rentrer dans la sphère d’influence de la Lune. La mission s’y posera le 23 ou 24 août au pôle sud au travers des péripéties de son l’atterrisseur robotique.

© ISRO
© ISRO

Vidéo officielle de couvrage du lancement de Chandrayaan-3 © ISRO

Vidéo indépendante du lancement © RocketGyan via Twitter

© ISRO
© H. Phinehas via Twitter

Webcast du lancement de Starlink 5-15 © SpaceX via Youtube

© SpaceX via Twitter

Starlink 5-15

Ce dimanche 16 juillet à 3:50 UTC, 54 satellites Starlink v1.5 ont décollé du SLC-40 de Cap Canaveral ; il s’agissait du dernier vol de cette itération de Starlinks, préliminaire à la v2. Falcon 9 a volé nominalement, et son booster B1060 a rejoint la barge ASOG (A Shortfall of Gravitas) ; il s’agissait de la seconde fois qu’un premier étage se posait pour la 16è fois. Les charges utiles ont été déployées sur une orbite LEO de 229 x 339 kms et inclinée à 43°, et en rejoindront une plus haute à 530 kms d’altitude.

© J. Pisani via Twitter

Viasat-3 Americas souffre d’un déboire technique

Vue d'artiste des satellites Viasat-3 Americas tels qu'ils ressembleraient une fois leur antenne réflectrice déployée © Viasat via Ars Technica

Niché sous la coiffe du lanceur lourd Falcon Heavy de SpaceX, Viasat-3 Americas a décollé le 1er mai du LC-39A du centre spatial Kennedy en direction de l’orbite géostationnaire. D’une masse de 6,4 tonnes, ce satellite de télécommunications opéré par l’entreprise américaine Viasat est exceptionnellement grand et performant pour le secteur commercial : doté d’une envergure de 44 mètres de par les dimensions de ses panneaux solaires, similaire à celle d’un Boeing 767, il doit de même fournir un débit supérieur à un térabit par seconde, soit plus de 125 gigaoctets, au moyen d’un large réflecteur assurant une connexion fiable en bande Ka (fréquences satellitaires comprises entre 26,5 et 40 gigahertz) pour un signal allant entre l’appareil et un point précis au sol, dans une zone couvrant l’Amérique du Nord. Néanmoins, ses opérations de mise en service ont été inopinément interrompues.

Le 12 juillet a été rendue publique l’existence d’une anomalie relative au déploiement de l’antenne réflectrice du satellite, confirmée par Viasat le 12 juillet via un communiqué dans lequel figure la possibilité d’une perte dans l’exploitation commerciale de l’appareil, si ce n’est son abandon. Ainsi, cet « évènement inattendu » serait fortement susceptible de causer « un impact matériel sur les performances de Viasat-3 Americas » que l’entreprise déplorerait, bien que le satellite puisse être assuré à hauteur de 420 millions de dollars. L’entreprise conduirait actuellement « une analyse rigoureuse » du problème afin de le palier, et partagera des informations additionnelles sur son état le 9 août. Les solutions de secours envisagées se concentrent sur le redéploiement d’autres satellites issus de la flotte de Viasat ou le réassignement d’un appareil ultérieur à la tâche du satellite touché.

Si l’antenne parabolique, positionnée à l’extrémité d’un bras de 25 mètres de long, ne peut être finalement déployée, les conséquences en seraient significatives, en considérant la chute drastique de 28,5% des actions boursières de Viasat sur le NASDAQ constatée le 13 juillet.

James Webb célèbre son anniversaire en compagnie d’une nurserie

L'ESM et l'adaptateur d'Orion en cours de transport en Floride, en vue de préparations finales © NASA

Il y a un an précisément, James Webb amorçait ses activités scientifiques, offrant au monde des données précieuses collectées au cours de ses observations affûtées. À cette occasion, la NASA a souhaité célébrer cet anniversaire mémorable, outre les diverses manifestations organisées aux Etats-Unis ou la sensibilisation à grande échelle, en publiant cette splendide image d’une nurserie stellaire, la plus proche que l’on retrouve dans notre voisinage galactique.

Situé à 390 années-lumière de la Terre, le petit nuage Rho Ophiuchi héberge une cinquantaine de jeunes étoiles de taille analogue à celle du Soleil et à une période primitive de leur vie, mais des zones épaisses, noircies par la poussière, favorisent la formation de proto-étoiles au coeur de cocons denses. De violents jets d’hydrogène transpercent la matière de manière horizontale et bipolaire, ces émanations subites se distinguant en rouge sur la partie supérieure et à droite de l’image. Vers le centre, la seule étoile significativement plus massive que le Soleil, S1, s’avère être comme dans une cavité creusée par ses vents solaires. Les gaz illuminés entourant cette région sont composés d’HAP ou d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, des molécules organiques sophistiquées qui sont couramment synthétisées dans des milieux spatiaux riches en carbone, sans mentionner des ébauches de systèmes planétaires se profilant autour d’étoiles en haut de l’image. Tel est l’ensemble astronomique fabuleux que la caméra NIRCam du JWST a su détecter dans le proche-infrarouge.

Tour vidéo du nuage Rho Ophiuchi © NASA / ESA / CSA / G. Bacon (STScI)

L’ELT construit à 50% !

La structure géante en acier du dôme circulaire de l'ELT se concrétise progressivement dans le désert de l'Atacama , éclairée par la Voie Lactée © ESO

Vidéo promotionnelle montrant l’avancée des travaux de l’ELT © ESO

Le projet révolutionnaire que constitue l’ELT (Extremely Large Telescope) avance à grands pas, puisque la construction du télescope et de ses installations est officiellement parvenue à sa moitié. Débutée en 2014 par l’aplanissement du Cerro Armazones, la montage chilienne au sommet de laquelle se déroule le chantier, elle doit se conclure en 2028 en ayant exécuté sa seconde moitié plus rapidement que la première, la production ayant notamment été normalisée et les tâches ralenties en raison de la pandémie ayant pleinement repris.

La manufacture de certains instruments du télescope sera bientôt amorcée, la centrale photovoltaïque est désormais opérationnelle, le bâtiment dédié au stockage et au revêtement des miroirs a été érigé, et les travaux concernant ceux-ci et des composants alternatifs avancent convenablement. Leur fabrication en Europe progresse, celle des sources lasers, parties intégrantes du système d’optiques adaptatives, a quand à elle été finalisée.

Carte laissant apparaître l'ampleur de la vague de chaleur actuelle en Europe méridionale © Sentinel / ESA / CC BY-SA 3.0 IGO

Grâce à des données radiométriques acquises le matin du 10 juillet par la mission d’observation terrestre Copernicus Sentinel-3, cette carte sur laquelle figurent les températures au sol relevées en orbite (équivalentes à l’énergie radiative émise par la Terre et utiles aux prévisions météorologiques, le suivi des feux ou l’optimisation agricole) rend compte de la vague de chaleur considérable subie en Europe cette semaine. D’après les prévisions de l’ESA, la température des sols de certaines villes italiennes comme Rome ou Naples aura dépassé les 45°C, tandis que l’Espagne particulièrement touchée aura supporté 46°C à Madrid et 47°C à Séville.

Un ingénieur se tenant en face du modèle de Plato, à l'intérieur de la salle LEAF (Large European Acoustic Facility) de l'ESTEC © ESA / G. Porter

Plato est une mission européenne qui s’attèlera à l’aide de ses 26 caméras à l’étude des exoplanètes évoluant dans la zone habitable de leurs étoiles hôtes, dont le lancement est prévu en 2026 à bord d’Ariane 6. Depuis mai, un modèle structurel du télescope subit une campagne de tests à l’ESTEC (European Space Research and Technology Centre), le centre technologique de l’ESA aux Pays-Bas, où son intégrité structurelle est mise à l’épreuve telle que le sera le véritable vaisseau au lancement. Ayant été soumis aux vibrations, le modèle a été déplacé dans la salle acoustique LEAF : grande de 16 mètres de longueur, 9 de large et 16,8 de hauteur et isolée, cette pièce comprend un mur doté de puissantes sirènes capables d’émettre à un niveau sonore de 156 décibels. Plato a passé ce test acoustique haut la main !

Tir statique du moteur BE-4 (à titre d'illustration) © Blue Origin

Par le biais de témoignages rapportés par CNBC, le test d’un moteur BE-4, produit par Blue Origin et équipant le lanceur Vulcan de ULA, conduit le 30 juin sur le site dédié aux essais moteurs dans l’ouest du Texas se serait soldé par un échec, car ayant explosé au bout de 10 secondes. Bien qu’ayant endommagé les infrastructures du banc de test, cet incident n’engendrerait selon les déclarations de ULA pas d’impact sur l’exécution du lancement inaugural de Vulcan, ses deux moteurs ayant eux déjà été qualifiés au vol. Blue Origin aurait identifié la cause de l’échec et s’appliquerait à y remédier.

© ispace via Twitter

L’entreprise japonaise ispace ne s’est pas laissée abattre par l’issue létale de sa mission M1 en avril, lors de laquelle l’atterrisseur HAKUTO-R ne s’est pas posé nominalement à la surface de la Lune : le développement de Mission 2, prévue l’an prochain, a de fait commencé avec l’assemblage et l’intégration du modèle de vol de l’alunisseur au centre de Tsukuba de la JAXA, l’agence spatiale japonaise.

© NASA / B. Ingalls via SpaceNews

Vast a annoncé le 11 juillet accueillir un nouveau venu au sein de l’entreprise en la personne de Garrett Reisman, ex-astronaute de la NASA et employé de SpaceX, comme conseiller en vol habité. Sélectionné par l’agence spatiale américaine en 1998, il vola pour la première fois dans l’espace en 2008 à bord d’Endeavour lors de STS-123 puis séjourna trois mois sur l’ISS avant d’en revenir sur Discovery. Il décolla ensuite sur Atlantis en 2010 lors de STS-132 et restera à nouveau 12 jours sur l’ISS, à l’extérieur de laquelle il effectuera trois sorties extravéhiculaires. S’étant retiré de la NASA en 2011, il se rendra chez SpaceX et y occupera différentes fonctions, y compris celle de directeur des opérations. Garrett dit avoir été attiré par les perspectives qu’offrait Vast en matière de gravité artificielle, que générera à l’avenir la station unimodulaire Haven-1.

Les capsules Orion d'Artemis II (à droite), III (à gauche) et IV (au centre) positionnées côte à côte au KSC © NASA / M. Reed

La NASA orchestre activement son programme Artemis, centré sur le retour de l’homme sur la Lune, et cela passe par la préparation des véhicules Orion destinés à y emmener ultérieurement des astronautes. Dans le hall du Neil Armstrong Operations and Checkout Building au Kennedy Space Center, trois d’entre elles, à différents stades de production, ont été stationnées l’une à côté de l’autre. Celle destinée à Artemis II s’est récemment faite apposer son bouclier thermique et attend des tests acoustiques avant d’être jointe à son module de service. Le véhicule d’Artemis III fera l’objet de tests de pression et d’étanchéité, alors que celui d’Artemis IV a à peine entamé son processus d’assemblage.

Parallèlement aux Teslas Model X dans lesquelles les astronautes embarquent pour rejoindre le LC-39A lors des vols habités supervisés par SpaceX, 3 voitures flambant neuves provenant de Torrance en Californie ont été livrées ce 11 juillet au Kennedy Space Center. Manufacturées par la constructeur automobile Canoo, ces véhicules aussi dénommés CTVs (Crew Transportation Vehicles) seront employés dans le cadre des missions Artemis afin de transporter les astronautes jusqu’à leur pas de tir. Sans émissions et électriques, les voitures aux design et couleurs de la NASA pourront donc en acheminer quatre en combinaison intra-véhiculaire ainsi que du personnel et de l’équipement spécial vers le LC-39B et le vaisseau Orion.

Les 3 véhicules Canoo stationnés au KSC, en face du mythique VAB (Vehicle Assembly Building) © NASA / I. Watson

L’indétrônable télescope spatial Hubble poursuit insatiablement ses observations, la dernière en date se concentrant sur l’amas galactique eMACS J1353.7+4329, distant d’environ huit milliards d’années-lumière et localisé dans la constellation des Chiens de chasse. Par l’intermédiaire de ses instruments imageurs WFC3 (Wide Field Camera 3) et ACS (Advanced Camera for Suveys), le HST a donné lieu à une image témoin de la formation d’un véritable monstre issu d’au moins deux amas en cours de réunion, l’ensemble étant assez massif pour provoquer un effet de lentille gravitationnelle.

L'amas galactique eMACS J1353.7+4329, observé par Hubble © ESA/Hubble / NASA / H. Ebeling

De l’autre côté du globe, un échec semblable à celui du test du BE-4 est survenu le 14 juillet alors qu’était mis à feu, au centre d’essais de Noshiro au nord du Japon, le second étage E-21 à propulsion solide d’une itération de lanceur léger Epsilon-S. La JAXA, ayant communiqué sur l’explosion, n’a signalé aucune perte humaine ou matérielle tiers mais déplore des dommages importants sur son banc de tir. Une investigation a été lancée afin de déterminer l’origine de l’explosion, celle-ci ayant eu lieu 57 secondes après l’allumage du moteur.

Tir statique complet d’Epsilon-S © @a2cplus via Twitter

Le CNES a partagé sur ses réseaux sociaux cette image, prise par un drone, du pas de tir d’Ariane 6 à l’ELA-4 (Ensemble de Lancement Ariane-4) sur lequel le déluge d’eau est fonctionnel. Installé afin de garantir une protection à la zone de lancement contre le choc acoustique et la chaleur intense provoqués au lancement, il consiste en un dispositif complexe mais primordial dont l’automate responsable de ses systèmes a été testé un mois durant. Lorsqu’Ariane 6 s’envolera, l’appareillage refroidira les dessous de la table avant que les 72 buses ne rentrent en action et que le carneau ne bénéficie d’un débit de 15 m³ par seconde, puisant dans un réservoir de 1200 m³.

© CNES

Euclid, lancé le 1er juillet par Falcon 9, apparaîtrait sur cette image composite réalisée par le CFHT (Canada-France Hawaii Telescope) de 3,6 mètres. Au fil de cette succession de 26 poses longues de 3 minutes chacune, un objet traverse effectivement le ciel sur un fond étoilé, mais il s’agirait cependant plus probablement d’un astéroïde non-identifié que du télescope en route pour le point L2 (cliquez sur l’image).

© ESA via Twitter

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