Rapport de mission : SVOM
Ce 22 juin 2024, à 7:00 UTC (15:00 heure de Beijing), la Chine a performé son 29è lancement de l’année en envoyant dans l’espace le satellite SVOM, d’autant plus unique en son genre qu’il est le résultat d’une coopération franco-chinoise fructueuse. La CASC (Chinese Aerospace Science and Technology Center) a ainsi confirmé un succès de la part de son lanceur Chang Zheng-2C/CZ-2C (ou Longue Marche 2C/LM-2C), biétage et haut d’une quarantaine de mètres, qui a décollé de la base de Xichang dans la province montagneuse du Sichuan, au sud-est du pays. Cette mission était particulière en cela qu’elle impliquait donc une direction internationale mais également un engagement scientifique notable dans le domaine de l’astronomie.
La mission compte quatre instruments embarqués à bord du satellite, parmi lesquels deux sont sous maitrise d’œuvre française, accompagnés de trois autres au sol.
ECLAIRs détecte les sursauts sur la plage des rayons X et gamma à basse énergie et va déterminer leur position. Le télescope a un champ de vision comparable à la taille de la pleine Lune et possède un capteur qui réceptionne en réalité des ombres portées, car les émissions extérieures rentrent d’abord par une ouverture masquée, un filtre troué d’orifices irréguliers que l’on assimile à un QR code. Une fois un sursaut gamma repéré, il suffit d’une minute seulement pour qu’une alerte soit lancée vers les réseaux d’observation terrestre qui se chargeront d’une étude plus globale, tandis que le satellite lui-même s’oriente en quelques minutes vers la source de l’émission afin que le reste des instruments se penche dessus. Parmi eux, MXT (Microchannel X-Ray Telescope, sous participation germano-britannique) remplit un rôle analogue à celui du premier instrument en affinant la localisation dans le ciel de la source, avec une précision semblable au diamètre de Jupiter.
Concernant l’instrumentation de bord chinoise, GRM (Gamma Ray Burst Monitor) compose le spectre des émissions détectées, et VT (Visible Telescope) observe immédiatement l’émission captée suite à un sursaut.
Au niveau du segment sol, le suivi de l’observation et du positionnement est assuré par des télescopes GFT (Ground Follow-up Telescope, dont fait partie le système franco-mexicain Colibri), et la caméra chinoise GWAC (Ground-based Wide Angle Camera) s’occupe de la mesure en lumière visible des émissions rémanentes.
Vidéo impressionnante de la chute de l’étage sur une zone habitée © Utilisateur anonyme sur Weibo
Extrait vidéo du lancement de SVOM © @vony7 sur Weibo via CNSA Watcher
L’acronyme SVOM signifie Space-based multi-band astronomical Variable Objects Monitor, ou Moniteur spatial multispectral astronomique d’objets variables. Cette mission consiste à étudier sous un angle nouveau l’Univers lointain par le biais de son phénomène le plus violent et énergétique, à savoir les sursauts gamma. Il s’agit d’évènements aussi puissants que l’intégralité des émissions de notre Soleil sur ses dix milliards d’années d’existence prévues, et qui résultent d’épisodes réguliers l’étant tout autant. On en distingue deux types selon que ces sursauts durent moins ou plus de deux secondes, ce que l’on expliquerait théoriquement dans le premier cas par la fusion de deux objets très denses (trous noirs ou étoiles à neutron) ou bien dans le deuxième à une hypernova, soit l’effondrement d’une étoile supérieure à vingt masses solaires. On différencie parallèlement deux catégories d’émissions comprises dans le sursaut : promptes lorsque les particules s’intersectent, au sein de ce qui est modélisé comme une « boule de feu », et qu’elles produisent par fronts de choc des rayons gamma, et rémanentes lorsque cela se produit similairement avec la matière environnante.
Quand bien même ces flashs ultralumineux sont éphémères, spontanés dans leur émergence et tellement distants qu’ils peuvent remonter à des milliards d’années, ce sont des témoins inappréciables de l’environnement dans lequel leur progéniteur s’est développé ainsi que de conditions cosmiques à un stade extrême, et le travail fourni par SVOM promet d’éclairer notamment les chercheurs sur la composition de galaxies lointaines, les mécanismes stellaires ou l’espace intergalactique que les sursauts parcourent. En évoluant sur une orbite de 625 kms d’altitude pour une inclinaison de 30°, le satellite de 930 kgs sera chargé de scruter méticuleusement le ciel afin d’y détecter en continu de tels signaux, ce dont il serait capable une centaine de fois annuellement et sur une durée de mission minimale de 3 ans.
La NASA opérait déjà en orbite le satellite Swift, lancé en 2004, mais l’on souhaitait compléter ses capacités en étendant ses mesures et à terme le remplacer. C’est dans cette optique que français et chinois concluent en 2014 un protocole d’entente qui démarre la mise sur pied de la mission ; après plusieurs phases d’étude successives, sa revue finale intervient mi-2020 et la conception technique suit. On assemblera par la suite à Shanghaï les instruments du satellite à Shanghaï en mai 2022, que l’on testera sur leur plateforme courant 2023 avant d’acheminer le tout à Xichang à la mi-mai 2024, paré au lancement. Dans la forme de la collaboration, le lien se joue côté chinois entre la CNSA (China National Space Administration) et la CAS (Chinese Academy of Sciences), et côté français le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) qui a mobilisé une dizaine de laboratoires et d’instituts partenaires, majoritairement issus du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) et du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique).
Vidéo explicative de la mission et de sa contribution française © CNES via Youtube
Objectivement toutefois, le lancement ne se sera pas déroulé sans incident puisqu’à son issue, une vidéo amateur ayant circulé sur les réseaux sociaux a suscité de nombreux engagements et réactions. On y observe en effet des personnes apeurées et cherchant à se réfugier d’un énorme objet en train de chuter du ciel. L’objet en question correspond au booster ou au premier étage consommé de la Longue Marche ayant décollé un peu plus tôt. Le panache qui en émane quand à lui est un rejet des ergols restants dans l’étage, la fumée présentant deux teintes : rougeâtre pour le peroxyde d’azote et jaunâtre pour l’UDMH ou diméthylhydrazine. Tous deux ont la fâcheuse particularité d’être hypergoliques, autrement dit simples à enflammer et à stocker, mais à contrario mortellement toxiques et cancérigènes.
Outre le danger évident que représente une chute de fusée en zone habitée, en l’occurrence vers le district de Guiding, et fréquemment sur des maisons où les locaux seraient exposés à un risque nocif pour leur santé, il est déplorable de constater cela aux environs des trois sites de lancement à l’intérieur des terres dont dispose la Chine, ce malgré les efforts supposés des autorités en matière de récupération d’un tel matériel ou de prévention civile via des évacuations.
Pour en savoir plus et approfondir les détails relatifs à SVOM, son vol ou à la science derrière les sursauts gamma, référez-vous au site officiel de la mission ou à sa page Wikipédia, au communiqué de lancement du CNES, aux articles d’Andrew Jones pour SpaceNews, Pierre-François Mouriaux pour Air&Cosmos, Guillaume Langin pour Ciel & Espace, Loïc Duthoit pour Sciences et Avenir, ce reportage vidéo de CGTN, ou à ces deux communiqués du CEA, cet article de Matthieu Stricot pour le Journal du CNRS, et enfin à cet article de François Gonzales et Bertrand Cordier pour The Conversation ! N’hésitez enfin pas à consulter ce fil X/Twitter du CNRS, cette critique par The Angry Astronaut sur Youtube du problèmes des débris, cette vidéo promotionnelle du CEA ou encore cet épisode en podcast des Mardis de l’Espace du CNES dédié à SVOM !
Merci de même à Daniel Chrétien pour sa relecture, qui a au passage décrypté de son côté la situation pour Futura !