Rapport de mission : We Love the Nightlife

Décollage d'Electron pour la mission We Love the Nightlife © Rocket Lab

Ce 25 août 2023 a eu lieu le lancement de We Love the Nightlife, la 40è mission opérée par Rocket Lab, un acteur phare du secteur du New Space implanté aux Etats-Unis dont les activités spatiales se réalisent en Nouvelle-Zélande. Ayant décollé à 23:45 UTC le 24 du LC-1B de la péninsule de Mahia, le microlanceur Electron devait s’élancer de son pas de tir par deux fois auparavant, mais ces tentatives avaient été reportées en raison de mauvaises conditions météos puis d’un dysfonctionnement moteur. Suite à la seconde, planifiée le 6 août, un plan secondaire de mission fut adjoint à l’objectif primaire d’envoi en orbite d’un satellite d’observation terrestre en échangeant le premier étage qui s’apprêtait à voler avec un autre, nouvellement manufacturé, qui disposait d’une bande rouge à son sommet, ce qui signifiait que le booster allait faire l’objet d’une récupération. Une surprise tardivement révélée qui fut justifiée par une volonté de satisfaire plus rapidement l’arrivée dans l’espace de la charge utile confiée, Acadia 1, ainsi que d’accélérer parallèlement les projets de Rocket Lab en matière de réutilisation d’Electron.

Electron décollant de son pas de tir sous l'impulsion de ses neuf moteurs Rutherford © Rocket Lab / J. Baxter via X-Twitter

Acadia 1 correspond à une avancée majeure, en corrélation avec le perfectionnement des capacités de Capella Space, un leader dans le secteur de l’observation terrestre. Basée à San Francisco, l’entreprise californienne met au point des satellites munis d’une technologie de pointe axée sur l’imagerie SAR (Synthetic Aperture Radar, ou Radar à Synthèse d’Ouverture), une méthode d’observation consistant à déduire de la réflexion par un sol lisse ou au contraire contrasté d’une émission radar une image en deux ou trois dimensions, de plus haute résolution que si elle avait obtenue via une imagerie conventionnellement optique, et en mesure de saisir des vues de la Terre en toutes circonstances, malgré la nuit ou la couverture nuageuse. 

D’une masse de 165 kilogrammes, Acadia 1 est le premier membre de la nouvelle génération satellitaire de Capella, qui contrôle d’ores et déjà dix objets en orbite et deux générations précédentes, et apporte en plus d’être plus léger du renouveau à la constellation de la société par le biais de plusieurs améliorations, qui induiront l’amélioration de la détection et de la connectivité. Cette troisième génération, pour laquelle trois autres vols d’Electron sont prévus, fournira à terme un meilleur service commercial avec une latence réduite, une bande passante de 700 mégahertz plus élevée, une alimentation plus efficace ou encore une réactivité accrue, ce en vue de délivrer des images toujours plus précises, à une résolution de 0,3 mètres par pixel.

Vue d'artiste d'un satellite de la génération Acadia © Capella Space
Image SAR provenant d'Acadia 1 et montrant la ville de Santa Cruz © Capella Space
Vue de la base du booster d'Electron, où figurent neuf moteurs Rutherford parmi lesquels un est celui réutilisé (sa teinte est plus sombre) © Rocket Lab via X-Twitter

Electron s’est envolé du sol et a procédé à une séquence de lancement nominale. Après le MECO (Main Engine Cut Off, soit l’extinction du premier étage qui propulsait alors d’elle-même la fusée) et la séparation inter-étages qui sont intervenues respectivement à T+2mins24s et T+2mins27s, le second étage s’alluma et poursuivit l’ascension tandis que le premier étage vacant entama son retour vers la Terre, une rentrée générant une température maximale de 2400°C atteinte à une vitesse pouvant dépasser les 8000 kms/h. Vers T+8,5mins après le décollage, le parachute principal du booster se déploya en accompagnement d’un parachute préliminaire actionné plus tôt et, ralenti, l’étage descendit lentement pour amerrir 11 minutes plus tard et flotter à la surface de l’eau en patientant l’arrivée du navire de récupération sur lequel il a été embarqué. Le satellite Acadia quand à lui a bien été amené à destination par l’étage optionnel Photon, équipé d’un moteur Curie, et déployé sur une orbite circulaire de 640 kilomètres d’altitude et inclinée à 53°.

"Félicitations [...] à notre équipe pour avoir effectué 40 lancements d'Electron, complété une autre récupération d'étage, et prouvé que les moteurs Rutherford pouvaient voler à plusieurs reprises. Une mission est déjà un immense exploit dans cette industrie, mais 40 d'entre eux est un exploit rare et un témoin de la détermination, de l'innovation et de l'investissement de l'équipe de Rocket Lab"
Peter Beck, fondateur et PDG de Rocket Lab
via un communiqué de Business Wire

Webcast du lancement de We Love the Nightlife © Rocket Lab via Youtube

Rocket Lab est synonyme de succès en tant que startup spatiale émergente, puisqu’elle a su régulariser et fiabiliser les vols de son microlanceur Electron, fabriqué pour placer des charges utiles de petite taille en orbite dites LEO ou SSO (Low Earth Orbit et Sun-Synchronous Orbit, orbites basse et héliosynchrone). Outre les dimensions du lanceur qui le rendent privilégié à servir le marché des cubesats ou minisats, il se démarque également à cause de ses moteurs kérolox (alimentés au kérosène de grade RG-1 et à l’oxygène liquides) Rutherford, qui sont majoritairement imprimés en 3D (cela concerne sa chambre de combustion, ses pompes d’injection et ses valves) et dont le fonctionnement des pompes est assuré par des moteurs et batteries électriques.

Le sommet d'Electron incluant la coiffe et arborant le sigle de Capella Space © Rocket Lab via X-Twitter
© P. Beck X-Twitter

La récupération d’un étage de lanceur dans le but de le réutiliser est familière pour Rocket Lab, seulement la compagnie s’y est adonnée auparavant par un moyen assez atypique et en aucun cas comparable à la réutilisation que maitrise un acteur analogue mais prédominant du New Space, SpaceX, lorsque celui-ci enchaîne les atterrissages des boosters de Falcon 9 et Falcon Heavy, certains étages compatibilisant une quinzaine de retours à leur actif. En effet, il fut un temps où un hélicoptère Sikorsky S-92 prenait le large dans le but d’intercepter l’étage d’Electron lors de sa descente et de l’attraper, avant de le transporter suspendu en l’air. Deux essais d’attrapage l’année dernière n’ayant pas abouti, Rocket Lab décida d’abandonner ce qui avait partiellement défini son originalité afin de se concentrer à la place sur la récupération en mer. Elle avait été prouvée parfaitement inoffensive pour l’étage, et ni la précaution supplémentaire de protéger certains composants du booster ni les changements financiers inhérents ne furent aucunement contraignants.

Dans l’optique de ce changement de cap, il a aussi été décidé de réutiliser un moteur Rutherford. Parmi les neuf moteurs Rutherford ayant volé sur l’Electron de We Love the Nightlife, un en particulier était spécial car ayant volé en mai pendant la mission There and Back Again, à l’issue de laquelle il aura subi une inspection et remise en état rigoureuses l’ayant certifié apte à reprendre du service. Son fonctionnement a été sans accrocs et ouvre la voie, selon les propos de Peter Beck, le PDG de Rocket Lab, à un vol ultérieur qui verrait le décollage d’un étage aux moteurs tous réutilisés, et de même sont-ils obligés d’être testés et qualifiés par le biais d’un tir statique.

Tweet de Peter Beck au sujet de la réutilisation

Vidéo explicative d’un profil de mission avec réutilisation d’Electron © Rocket Lab via X-Twitter

Pour en savoir plus et approfondir les détails relatifs à We Love the Nightlife, référez-vous à la page associée de Rocket Lab, au Press Kit officiel ainsi qu’aux articles de Capella Space, Business Wire, de Jeff Foust pour SpaceNews, de Florian Kordina et Mariia Kiseleva pour Everyday Astronaut, Eric Berger pour Ars Technica ou Mike Wall pour space.com.

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