Nébuleuse de la Lyre : lorsque James Webb pratique l'archéologie astronomique
La fameuse Nébuleuse de la Lyre, autrement catégorisée NGC 5720 ou M57, est une sublime structure située à près de 2200 années-lumière de la Terre et très prisée des astronomes amateurs de l’hémisphère nord qui peuvent pointer leurs oculaires en direction de la constellation de la Lyre, de préférence au moment où elle est le plus optimalement observable dans le ciel estival d’août ; elle possède aussi une magnitude si importante qu’elle est distinguable avec une paire de jumelles. Découverte en 1779, il s’agit d’une nébuleuse planétaire typique, soit une région où se concentre une quantité faramineuse de gaz et de poussières issus d’un cycle de fin de vie stellaire. Elle se résumait autrefois à une géante rouge, jusqu’à huit fois plus massive que notre Soleil, qui vivait en son centre il y a seulement quelques milliers d’années mais qui a amorcé sa période de déclin en expulsant la majorité de la matière la composant. En passe de devenir une naine blanche, elle poursuit son rejet de gaz alimentant le coeur de la nébuleuse qu’il a engendré tout en l’énergisant l’ensemble car, à présent dénudée, l’étoile l’inhibe d’émissions ultraviolettes qui ionise la nébuleuse, ce à quoi celle-ci réagit par sa forte lueur colorée.
Des deux clichés haute-résolution tirés de cette campagne, chacun pris à l’aide des intruments imageurs NIRCam et MIRI, sont exploitables des indices distincts quand à la caractérisation de la nébuleuse, de son arrangement ou de son évolution. En apparence, elle serait semblable à un donut relativement sphérique et distordu mais que l’on observerait au travers d’un de ses pôles, de sorte que le matériel coloré visible ne nous fait pas face et que le noyau, ses environs ressemblant à un ballon de rugby, nous apparaisse bien plus vide qu’il ne l’est en réalité.
Au sein de l’anneau interne, NIRCam a su dénicher une configuration de filaments enchevêtrés, de même que l’émission d’HAP ou d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, des molécules carbonées et organiques complexes. Dépassant de l’anneau, une multitude de pointes jaillit curieusement vers l’extérieur : ces proéminences seraient vraisemblablement dues à des molécules crées à l’abri des puissantes radiations ultraviolettes de l’étoile originelle, puisque s’étant formées dans l’ombre des parties denses de l’anneau. Dans la globalité de la nébuleuse, la caméra aura également identifié environ 20 000 amas individuels d’hydrogène.
En revanche, la deuxième image met en évidence à elle seule la présence d’arcs concentriques dans la périphérie de la nébuleuse, au nombre d’une dizaine. Ces marques établies par MIRI, se nichant surprenamment au sein de son halo, se présenteraient comme le fruit d’un cycle répété de réchauffement et de refroidissement de l’étoile-mère se produisant tous les 280 ans si l’on devait se baser sur leur espacement ; or un processus stellaire de ce genre ne nous est pas connu, c’est pourquoi les scientifiques penchent plus volontiers en faveur d’une interaction avec un compagnon invisible. Cette autre étoile voisine, de masse moindre que la naine blanche centrale, orbiterait autour de cette dernière à une distance similaire dans notre système solaire à celle entre le Soleil et Pluton.
Pour en savoir plus et approfondir les détails relatifs à l’observation de M57 par James Webb, référez-vous au post de blog associé de la NASA, à l’article analogue de l’ESA, aux descriptions des deux images du site affilié au STScI ou aux articles de Brian Koberlein pour Universe Today, Monisha Ravisetti pour space.com ou Will Sullivan pour le Smithsonian Magazine.
Le télescope spatial James Webb, ayant récemment célébré sa première année opérationnelle et dédiée à la science, s’est concentré sur la nébuleuse pour la photographier quelques semaines à peine après le démarrage officiel de ses activités le 12 juillet dernier. Il a été mobilisé dans le cadre de cette observation par le groupe international ESSENcE (Evolved StarS and their Nebulae in the JWST Era), composé d’experts dont le domaine de recherche portant sur les nébuleuses planétaires, et en particulier celle de la Lyre, était compatible avec les composants nécessaires du télescope. On lui assigna le programme d’observation GO 1558, intitulé « The Ring Nebula as a laboratory for the interaction of molecules, PAHs and dust in strong UV radiation fields ». Les résultats de ce travail ne déplurent aucunement à l’équipe, au contraire leur auront-il semblés riches et pertinents tant les images obtenues ont révélé sous le prisme nouveau de l’infrarouge des éléments anciens encore insoupçonnés faisant partie de la nébuleuse. Cette étude, plus qu’une immersion dans les restes d’une étoile en perdition, est bien du ressort d’une espèce d’archéologie astronomique.